SCORPIONS – Une piqûre de heavy rock ?
En studio
Il était une fois un groupe de hard rock allemand : Scorpions.
En 1982, les antipathies d’antan tendent à s’estomper. Pourtant, cet été-là, coupe du monde de football aidant, l’inimitié refait surface et l’on entend à nouveau fleurir du « Bosch » et du « Schleu ». Si l’on s’appuie sur le postulat que, hors compétition sportive, la musique c’est de la musique et le reste de la couenne de jambon, nous en concluons que : Scorpions’s « Blackout », c’est de la musique.
SCORPIONS – Now
Dans les 70’s, le groupe fait l’objet d’articles élogieux dans Best, notamment à l’occasion de ses prestations scéniques. Comme toujours, lorsque la prose évoque plus que des mots (merci Hervé Picart !), le lecteur recherche le contact. A cet effet, le double album live : « Tokyo tapes » (1978), propose une excellente entrée en matière, une introduction à la formation qui ne manque pas de piquant.
Steamrock fever (live)
Lorsqu’on souhaite disserter sur Scorpions, encore faut-il préciser de quelle période il s’agit : avant « Loverdrive » (1979) ? Entre « Loverdrive » et « Blackout » (1982) ? Après « Blackout » ? Objectivement, le groupe n’a pas toujours présenté le même visage. Si, toutes périodes confondues, les chansons présentent des invariants musicaux : la structure générale des morceaux et la voix de Klaus Meine, chacune présente une prise de parole « guitaristique » différente. Il est question du jeu des trois solistes qui illuminent les brûlots collectifs de leurs saillies toutes personnelles. Fait notable, chez Scorpions, les synthétiseurs brillent par leur absence.
SCORPIONS – Polar nights
Scorpions Mach I affiche Uli Jon Roth à la guitare lead. Les solos sont psychédéliques, « Hendrixiens », construits à partir d’une ligne mélodique sur laquelle viennent se greffer d’élégantes envolées. La production rend grâce à ces solos en les plaçant en avant des autres instruments. Puis, il y a le Scorpions no man’s land pour « Loverdrive ». Michael Schenker, frère de Rudolph, guitariste moustachu emblématique du groupe, grave les solos. Ils sont teintés hard FM et mémorisables car construits sur la mélodie des lignes de chant. Enfin, il y a le Scorpions contemporain avec Matthias Jabs à la cartoucherie. On peut qualifier de « solo gribouille » sa façon de concevoir le genre. Pas facile d’en retenir une ligne. Il s’agit d’un enchaînement de notes respectant la tonalité mais noyé dans le mixage.
Au-delà de ces différences, dans la musique de Scorpions, les enluminures ne font mousser personne, elles servent la chanson.
The Zoo
Scorpions, jusque-là apprécié des afficionados, commence à toucher un plus large public à partir de « Blackout ». L’album présente le groupe au sommet de son art. Du hard rock au côté pop sous-jacent via des refrains entraînants à reprendre en chœur. Les rythmiques, qu’elles soient légères, soutenues ou plombées, encornent l’auditeur tout en sachant rester mélodieuses.
Bien qu’aucun de ces titres ne contiennent de solo de guitare mémorable (incongruité absolue pour ce style de musique), « Blackout » est de ceux dont on peut dire qu’ils font références. En effet, les hard rockeurs, la plupart du temps présentés comme décérébrés, ne manquent pas de discernement pour différencier les « pétouillages » des enregistrements à haut voltage.
SCORPIONS – Blackout
L’étape suivante, la popularité stellaire, est atteinte avec « Love at first sting » (1984), le « maudit ». Maudit parce qu’il porte en lui le fruit de la discorde : « Still loving you ». Avant ce succès planétaire, et la course à la ballade systématisée qui suit, les teutons ont déjà placé des balades dans leurs disques précédents. « Always somewhere » et « Holiday » sur « Loverdrive », « Lady starlight » sur « Animal magnetism » et « When the smoke is going down » sur « Blackout ». Question de contexte et de diffusion, ces quatre morceaux n’ont pas fait plus de bruit qu’ils ne devaient en faire.
La polémique « Still loving you » demeure : cette chanson a-t-elle enterré à tout jamais la crédibilité du groupe aux yeux des amateurs de heavy rock ? Seuls ceux qui, en toute objectivité, se sont octroyé le droit d’écouter les disques qui ont suivi peuvent répondre à cette question.
Always somewhere
Mais tout ce « bruit dans Landerneau » ne vaut que pour le studio, parce qu’en live …
En concert
Passé les premières injections de venin, que reste-t-il de l’arachnide le 22/12/1988 au POPB ?
A Bercy, on peut vire un concert de quatre façons différentes : dans la fosse, dans les gradins face scène, dans les gradins de côté … au niveau des cintres. Installé plus haut synonymise : à cheval sur les tuiles ! Bizarrement, ça n’est pas la plus mauvaise place en matière de son. Précisons que cet antre à tout sauf l’acoustique nécessaire à un concert de rock. Scorpions ? Le public clame sa joie en constatant de visu ce qu’il subodorait d’oreilles : la bête est toujours vivante et s’agite de belle manière.
SCORPIONS – Dynamite (live)
Scorpions présente live tous les gimmicks du genre : bain de sueur général, grimaces inspirées, foulards de couleurs, skinnies en Spandex tachetés léopard ou zébrés, câlins entre musiciens … Finalement, les hard rockeurs sont très traditionnels dans leur façon de communiquer avec leur public. Ce dernier attend-t-ils quelque chose de plus ? Non. Et c’est même pour ça qu’il se rend en salle acclamer ses idoles.
Speedy’s coming (live)
Du point de vue musical, les allemands envoient le bois ! L’impact perfore les oreilles comme il se doit : acouphènes garantis ! L’interprétation est très proche de celle des disques, la voix de Klaus s’exprimant très distinctement par-dessus le « boucan ». Pourtant vieillissants, les musiciens ne semblent pas avoir pris une ride, moulinant leurs titres inlassablement et avec engouement.
Finalement, Scorpions, c’est l’histoire d’un groupe de hard rock allemand, c’est l’histoire d’un groupe de hard rock, c’est l’Histoire du Rock.
Thierry Dauge