La première actrice européenne réclamée par Hollywood
Elle devint en un temps record la femme la plus riche de toute la Californie
Son histoire est racontée dans le livre Stars Et Starlettes Du Noir Et Blanc (cliquer ICI).
Elle est née Barbara Apolonia Chalupiec, « d’une mère issue de la royauté polonaise appauvrie et d’un père aux ancêtres slovaques ». Pola Negri débute comme danseuse au sein du Ballet Impérial de Varsovie mais doit abandonner cette carrière à cause de la tuberculose. Elle fait ses débuts au théâtre en 1913, et bientôt au cinéma, pour lequel elle choisit son pseudonyme en souvenir de la poétesse italienne Ada Negri. En 1917, elle quitte Varsovie pour Berlin… Un premier mariage express (1919 – 1922) avec le comte Eugeniusz Dąmbski. Puis à la suite d’une rencontre en Allemagne, une liaison platonique avec Charlie Chaplin dont les gazettes vont faire leurs choux gras, évoquant « l’union de la Reine de la tragédie avec le Roi de la comédie ».
Sappho, le film dont elle est la vedette, sort en Allemagne le 6 septembre 1921… mais seulement le 4 mars 1923 aux États-Unis : il aura fallu changer son titre en Mad Love et pratiquer des coupes pour pouvoir amadouer la commission de censure. Entre-temps elle a signé un contrat avec Max Reinhardt qui la dirige au théâtre dans le conte oriental Sumurun (One Arabian Night) dont Ernst Lubitsch, qui deviendra son metteur en scène attitré, réalise l’adaptation cinématographique. Il la dirige notamment dans Carmen, La Chatte des montagnes, Montmartre et surtout Madame Du Barry qui remporte un succès mondial.
En 1922, à son arrivée en Amérique, les agents artistiques de la Paramount la présentent comme la rivale de Gloria Swanson… alors que les cinéphiles considèrent qu’elle est beaucoup plus proche du style de Lupe Vélez. Elle devient la femme la plus riche de Californie… mais son règne est de courte durée. La « femme fatale », la « femme inaccessible » lasse rapidement le grand public et la critique : « Pola Negri est une artiste par trop conventionnelle qui ne tiendra pas longtemps sur les écrans américains si ses prochains films sont aussi mauvais que Bella Donna, production dans laquelle elle fit ses débuts en Amérique et où elle se montra par trop « forcée », pouvait-on lire, déjà, en 1923.
Dans un effort pour la rendre, justement, plus « accessible », Paramount décide de « casser » son image en lui confiant des rôles plus terre à terre que celui de l’éternelle fiancée de Rudolf Valentino : son attitude durant l’enterrement du célèbre acteur avait irrité les médias (elle s’était soi-disant évanouie plusieurs fois, mais personne ne fut dupe. « Du chiqué ! »)… d’autant que la (fausse) veuve éplorée s’était mariée dare-dare avec le prince Mdivani, dont elle divorcera en 1931 (elle ne se remettra jamais de n’avoir pu enfanter). Elle tourne un dernier film pour la Paramount, The Woman From Moscow, et, pour garder la face, déclare vouloir se retirer, avec son deuxième mari, dans son château de Rueil-Seraincourt (Oise) :
– Je ne veux pas tourner trop de films ; j’estime que le public se lasse vite d’une actrice qu’il voit constamment. Et puis, si je tourne seulement un ou deux films par an, je pourrai m’y consacrer entièrement, rien ne sera négligé, et nous pourrons réaliser alors autre chose qu’une de ces petites comédies anodines, insignifiantes comme il en paraît chaque jour sans que vraiment la nécessité s’en fasse bien sentir (Cinémagazine n°6 de juin 1933).
… On pense plutôt que c’est la Paramount qui n’a pas voulu reconduire son contrat !
Mais la vie de château, ce n’était pas pour elle : elle va bientôt devoir retourner au charbon, son époux ayant dilapidé toute sa fortune sur de fort mauvais placements.
Sa reconversion au cinéma parlant
Elle reprend le chemin des studios… sans avoir besoin, pour l’instant, de retraverser l’Atlantique, puisqu’elle obtient un rôle dans une production franco-britannique, un César et Cléopâtre adapté de la pièce de George Bernard Shaw qui se révèle si coûteux quant aux droits d’adaptation que le projet doit être abandonné (il sera repris en 1945, cette fois avec Vivien Leigh dans le rôle qu’avait brigué Pola). À la place, la Negri est confiée à Paul Czinner pour ce qui sera son dernier film muet, connu sous les titres de The Woman He Scorned et The Way Of Lost Souls.
De retour à Hollywood en 1931, elle tourne A Woman Commands, son premier film parlant… et chantant. C’est ce qui la sauve, car le film lui même est quasiment un échec, alors que la chanson qui en est extraite, Paradise, est un succès… au point de monter un spectacle et une tournée autour :
– Partout, pendant la tournée que je fis à travers les États-Unis, je ne rencontrais que des témoignages de sympathie, mille détails délicieux qui remplissaient mon cœur d’un baume merveilleux, qui me fouettaient d’une petite brise vivifiante, qui me murmuraient à l’oreille : « Allons, tu n’es pas encore oubliée, ton public t’aime toujours » (Cinémagazine n°6 de juin 1933).
On la voit dans le film Mazurka.
Des problèmes de santé – une fausse couche – l’éloigneront rapidement de cette scène qui semblait pourtant prête à l’accueillir chaudement. Mais on présentera l’affaire sous un jour différent :
Pola était extrêmement souffrante, et une crise d’appendicite menaçait à chaque instant de la terrasser. Les médecins ne lui avaient pas caché la gravité de la situation si elle continuait à tourner. Elle paya fort cher cette résistance, ce souci de ne pas provoquer de pertes de temps, fort coûteuses à la compagnie cinématographique. Pendant plusieurs mois, elle fut entre la vie et la mort ; et c’est par miracle qu’elle est aujourd’hui complètement rétablie. Mais que de souffrances, que de longs mois de convalescence, de solitude, loin de la vie, loin du monde, loin des planches et du plateau (Cinémagazine n°6 de juin 1933).
On peut la voir et l’entendre chanter en 1932 dans A WOMAN COMMANDS…
De retour en France, elle tourne dans un film sur Napoléon III (Fanatisme, 1934). Mais son unique film français ne la mettait pas à l’abri des indiscrétions de la presse hexagonale. Dans son n°450 du 1er juillet 1937, l’hebdomadaire Pour vous propose un article détonant et détonnant sur « Les Trois Stars du IIIè Reich » qui insinue (et la rumeur, dès lors, courra) que Pola a une liaison avec Hitler :
– De Pola Negri, dont la récente maladie a défrayé l’opinion beaucoup plus que n’avait pu le faire son dernier film Madame Bovary, on avait eu fort peu l’occasion de parler jusqu’au jour où une intervention personnelle du Fuhrer en sa faveur a quelque peu surpris et ému. On se souvient que le chancelier Hitler n’avait pas voulu prendre position contre certains critiques tourmentés par les questions raciales et qui trouvaient Pola Negri bien brune pour une aryenne authentique.
Nous nous étions demandé en effet quel mobile puissant avait bien pu amener le chef de l’Etat allemand à sortir de sa réserve pour donner un certificat aussi singulier à Pola Negri et il n’en avait pas fallu plus pour prétendre que cette artiste avait pris dans le cœur du Fuhrer la place laissée vacante par la disgrâce de Leni Riefenstahl. Personne n’a pourtant jamais entendu dire que Pola Negri ait été, comme jadis Leni Riefenstahl, l’invitée du chancelier Hitler à Berchtesgadem…
Pola intentera un procès à l’hebdo’, et le gagnera.
Pola NEGRI internée à Dachau en 1938
« On ne savait pas, on ne savait rien » est la phrase qu’on entendit trop fréquemment. Les Français (et d’autres), « n’étaient pas au courant de l’existence des camps de concentration« , et soi-disant les découvrirent, ébahis, lors de leur ouverture en 1945. Mais quelle foutaise ! Fallait-il qu’ils aient fermé les yeux, car… « ON » savait, comme le prouve cet article paru dans « Pour nous – L’Intran » fin 1938 :
« Depuis quelques semaines, une femme a disparu des salons berlinois. Mais ce n’est pas parce qu’elle est dans sa petite villa de la banlieue de Cracovie, ni à Venise où on la croyait en villégiature. Cette femme n’est pas sortie d’Allemagne. Depuis qu’on a constaté sa soudaine disparition, au début du mois de septembre, aucune nouvelle officielle n’a permis de savoir ce qu’elle est devenue. Une seule indication, discrète mais formelle, est venue coïncider avec l’abandon soudain du somptueux appartement que Pola Negri occupait dans un grand hôtel d’Unter den Linden et où ses bagages se trouvent encore, bien que sa correspondance ait déjà été saisie.
Cette indication laisse entendre que Pola Negri, arrêtée le 10 ou le 12 septembre, fut immédiatement mise sous surveillance, jugée, puis envoyée à Dachau, le seul camp de concentration allemand qui possède une « section féminine ». Le nombre des détenues femmes au camp de Dachau doit être assez faible. Il serait de cent cinquante environ. Les motifs qui auraient amené Pola Negri là sont interprétés de diverses façons par les anciens amis de la vedette polonaise. De toute manière, on estime qu’une telle condamnation est plus que sévère.
RIVALITÉS DE FEMMES
Pola Negri aurait succombé aux attaques de ses deux ennemies intimes : Leni Riefenstahl et la princesse Stéphanie de Hohenlohe von Wildenburg-Schillingfurst. La course à l’influence sur le Führer, que l’on avait crue déclenchée entre ces deux femmes et Pola Negri, ne paraît pas avoir été le véritable motif de leur rivalité. Le vrai motif serait plutôt le titre de « déléguée féminine à la propagande », office créé par le Dr Goebbels, qui fit comprendre au Führer qu’une femme pouvait être d’une extrême utilité..
La bataille semble avoir été gagnée pour l’instant par la princesse Stéphanie. On dit d’ailleurs que s’il n’en avait tenu qu’à elle, une demi-douzaine au moins des femmes qui fréquentent les salons de la chancellerie eussent été immédiatement expédiées à Dachau. Mais seule Pola Negri, dont on peut dire que la discrétion n’éait pas la première des qualités, paya pour les autres.
On aurait accusé l’ex-Mme Valentino, ex-princesse Mdivani, etc., de s’être laissé aller àpublier sous un pseudonyme, dans un journal polonais, quelques indiscrétions sur les difficulté économiques allemandes, ainsi que quelques échos qui paraissaient avoir été recueillis à la chancellerie même. Ces « informations » étaient mal venues à un moment où le Reich et la Pologne font une politique de rapprochement et d’amitié. Pola Negri, n’eût été son nom, aurait sans doute été accusée d’espionnage. Sa condamnation serait assez comparable à celle du célèbre joueur de tennis Gottfried von Cramm et serait du même ordre : un an de détention.
Un film rare à découvrir : « THE YELLOW TICKET » avec Pola NEGRI (1918)
Il y a peu de chance que vous puissiez trouver le coffret de 3 DVD intitulé Pola Negri : The Iconic Collection qui contient ce film (il est malheureusement épuisé) alors autant le regarder ou le télécharger sur YouTube.
Intitulé également THE DEVIL’S PAWN, c’est un film muet allemand réalisé par Victor Janson et Eugen Illés, sorti en 1918. Il est inspiré par un fait réel : à une époque, la seule profession que pouvaient exercer les femmes juives en Russie était la prostitution, et elles devaient posséder un passeport jaune pour fuir la Zone de résidence, région ouest de l’Empire russe où les Juifs étaient cantonnés par le pouvoir impérial de 1791 à 1917.
Synopsis (source wikipedia)
Lea est une adolescente juive talentueuse qui vit dans le ghetto de Varsovie avec son père. Elle aime lire et rêve d’étudier la médecine à Saint-Pétersbourg pour guérir son père, mais il meurt brusquement et son tuteur, Ossip Storki, est appelé au loin pour travailler pour le gouverneur. Quand elle arrive en Russie, elle apprend que le seul travail autorisé pour les femmes juives est la prostitution, et qu’elles ne peuvent exercer cette activité qu’avec un passeport jaune. Elle demande un passeport jaune et s’installe dans un bordel. Elle pose sa candidature avec les papiers d’identité de sa sœur décédée et elle est acceptée, commençant à mener une double vie : universitaire le jour, prostituée la nuit. Ses camarades d’université s’en rendent compte, et, Lea fait une tentative de suicide, craignant la fin de sa carrière universitaire. Un étudiant, Dimitri; va voir le professeur Zukowski pour révéler la double vie de Lea. le professeur pense à sa propre double vie, puisqu’il a un enfant illégitime et qu’il ne l’a pas connu. Entre temps, le tuteur de la sœur de Lea apprend que Sophie a gagné une médaille d’or à l’université, et il se rend à Saint-Pétersbourg pour mener l’enquête. Un entretien qu’il a avec le professeur Zukowski révèle que c’est sa fille, et il a à la sauver dans une opération chirurgicale…