Bernard LAVILLIERS : Si “O gringo” m’était conté

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Bernard LAVILLIERS : Si “O gringo” m’était conté

B. Lavilliers

En quête de matériel d’enregistrement numérique, à une époque où un ordinateur ne réglait pas « tout », le hasard des connaissances me fait rencontrer un homme épatant exerçant le beau métier d’éclairagiste. Plus exactement, un créateur d’univers lumineux à destination de prestations live d’artistes identifiés rockeurs ou d’ailleurs. Lors d’une conversation à connotation musicale, il me décrit l’amitié qui le lie à Bernard Lavilliers.

Son récit précise que, pour son plaisir et celui de ses clients, le chanteuranime fréquemment les soirées de son restaurant parisien. Cette anecdote assoit une hypothèse en un cœur généreux sous une musculeuse image, l’anneau à l’oreille relevant à coup sûr du compagnonnage. Et c’est bien de cela dont il s’agit dans «O gringo», d’un tour du monde pour affûter son art à celui d’autrui, apprendre des autres tout en livrant son propre bagage. Riche de ces nouveaux rythmes, il accouple les chatoyantes couleurs amazoniennes au binaire urbain.

Bernard LAVILLIERS – Rock city

1980. Dans les bistrots, un «Rock city» tout droit sorti du juke-box accompagne les forniqueurs de baby-foot et les supports de comptoir. Après la ville et son regard d’acier, une autre sélection délivre les pulsations de «Stand the ghetto», onirique odyssée d’une Jamaïque exclusive en reggae.

Bernard LAVILLIERS – Stand the ghetto

“O gringo”, la pluralité

Dans cet opus de « variétés », Mr Lavilliers ajuste les changements d’ambiances et de rythmes comme les ouvriers spécialisés ajustent ou fraisent en usine. Il expose les doutes de Mr Ferré : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », puis nous prend à témoin de ses propres fissures : « Attention fragile ». Indécis, il noie réponses et dénuement dans la « … frangine portoricaine qui vit dans le Spanish Harlem, les reins cambrés au bon endroit, elle est superbe, c’est la Salsa». Même lorsqu’il « prose » la malfaisance : « Pierrot la lame », l’assemblage de notes girondes emporte la réticence à plébisciter.

Une production en « relief » promeut l’exotisme à partir d’une basse profonde et chaleureuse, creuset idéal où couler les autres instruments. Ce 33 tours évoque un grand raout polymorphe, melting-pot ethnique savamment épicé de condiments rock. Avant de finir dans le ghetto, Bernard nous gratifie d’une ultime réflexion en 3ème face du Lp supplémentaire : « Que veux-tu que je sois dans cette société-là ? ». Je ne peux que lui répondre : un auteur/compositeur/interprète talentueux aux commandes de chansons plurielles. Quant à moi ? Il l’a deviné : un lyophilisat dissout dans le « Traffic ».

Bernard LAVILLIERS – La salsa

La ville y est en concert

Le 2/03/1989 au Zénith de Paris, une partie du public se rend à sa première séance de « musculation » auditive. Dans la foule d’avant concert, on identifie des Perfecto, des casquettes de rasta, des costards/cravates, des familles en sortie, des « apaches » gominés et des jeunes filles en fleur. Faut-il être pluripotent pour réunir autour de sa musique autant d’effets !

A l’image et l’attendu, la prestation du plus brésilien des chanteurs français casse la baraque, l’isba et le township. Sa palette de chansons colorées recréée le marché aux épices de Dakar. Tout autant qu’elle fait couler la majestueuse Amazone au cœur de la capitale. Sur scène, les épaules de Bernard roulent, décrivant des courbes qu’oscillant dans la fosse des bassins clonent. La salle n’étant pas remplie, le chanteur invite ses convives à communier d’avantage en se rapprochant de lui. La promiscuité, parfois, promeut des émotions qui perdurent loin, très loin dans la nuit …Bernard Lavilliers

Thierry Dauge

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