Michel Polnareff – Beatnik – 1966
La pop française existerait elle sans l’arrivée, dans le milieu des 60´s, d’artistes décomplexés? Des artistes lassés de regarder dans le rétro des années 50 comme leurs grands aînés, et résolument décidés à rentrer dans le lard des conventions, en osant rivaliser avec ce qui se faisait de mieux à l’époque, outre-Manche et outre-Atlantique… ?
Le titre Beatnik sort en 1966. Incontestablement Kinks avec son riff imparable à la All Day and All The night, il sort sur le premier EP d’un virtuose classique (piano à 5 ans et 1er prix de solfège à 12) devenu poète Beatnik après passage par la case Presley-Jerry Lee Lewis-Evely Brothers: Michel Polnareff.
Michel Polnareff – Beatnik
Le grand blond fluet…
Et le grand blond fluet, à l’allure féminine assumée, coiffé à la Françoise Sagan, qui 2 ans plus tôt faisait la manche sur les marches du Sacré-Coeur, va, avec quelques autres (Gainsbourg, Ferrer, Dutronc, Antoine…), contribuer à libérer le France gaulienne de ses carcans.
Polnareff rentre justement bredouille de Londres où il a fait le tour des éditeurs de Soho avec un titre sous le bras baptisé The Doll Who Say No. Niet. Pourtant le titre est un bijou d’harmonies et de modernité, proche des meilleures compos des Byrds. Anecdote,à la guitare sèche, un inconnu rencontré dans un studio londonien… un certain Jimmy Page.
A Paris, il remporte néanmoins le tremplin Disco Revue dont le prix est un contrat chez Barclay qu’il refuse, persuadé à raison qu’il est déjà en dehors du circuit puéril des « yéyés » retardataires. Les Disc AZ et leur directeur artistique, Lucien Morisse, vont remporter la mise en convaincant Polnareff d’adapter la chanson en français et de la sortir avec trois autres titres…
Rencontre avec Lucien Morisse
Un Lucien Morisse qui est alors plus en flair qu’en 1960. A l’époque animateur sur Europe 1, il cassa en 2 en direct un 45 tours qui n’aurait aucune chance d’être diffusé sur l’antenne: le premier d’un certain Johnny Hallyday…
Bref, dans les bacs des disquaires en avril 1966, ce premier « 4 titres » de Polnareff va le conduire directement au sommet des hits-parades.
Prolifique, il enverra valser les tabous dès l’été qui suit, avec le langoureux Love me, Please Love me » associé au délicat L’Amour avec toi, deux perles dynamitées par un troisième titre digne des Who: Ne me marchez pas sur les pieds. Avec les titres à venir, d »Âme câline » à « Dans la maison vide« , jusqu’à l’immense « Bal des Lazes » en 1968 que n’auraient renié ni les Moody Blues ni Procol Harum, l’artiste va imposer son image d’authentique compositeur pop digne des meilleures productions anglo-saxonnes.
Lettre a France
Après un dernier hit Holidays en 72 et le triomphe de l’Olympia 1973, annoncé par la fameuse affiche polémique, Polnareff quittera la France pour de multiples raisons et ira planquer sa paranoïa, ses lunettes et ses frisettes outre-Atlantique, ce qui est une autre histoire.
Restent les chansons magnifiques de cet orfèvre qui regrettait presque un succès trop rapide, avouant dans l’émission Discorama à Denise Glaser en novembre 1966:
« Ça m’ennuie un peu que du jour au lendemain les gens trouvent mes chansons bien. (…) Moi je n’ai pas la possibilité de me révolter puisque, dès le départ, tout le monde a été gentil avec moi. »
Les vacheries viendront plus tard l’artiste, t’inquiète…!
Denis Chofflet – CulturesCo