Musée – Chabouté
On connaissait Trenet et son jardin extraordinaire.
Voici aujourd’hui Chabouté et son musée extraordinaire…
… Car figurez vous qu’il s’en passe de drôle au musée d’Orsay…
Orsay…
… Un des plus beaux musées du monde, Si l’on en croit les touristes étrangers découvrant Paname. Visiteurs qui viennent en foule admirer les toiles impressionnistes, la galerie des sculptures sous la grande verrière, ou l’immense horloge, vestige de l’ancienne gare, suspendue aux cintres telle une étrange machine à remonter le temps. Oui, mais ça, c’est dans la journée…
La nuit tombe…
… sur les quais de Seine. Les derniers fans de Monet, de Renoir et bien d’autres ont déserté les allées qui se vident pour un calme retrouvé bien mérité. Calme ? Pas tant que ça…
Non, vous n’avez pas la berlue…
… Cette statue, là-bas, est bien en train de descendre de son socle. Les personnages de ce tableau de Manet, un peu plus loin, commencent à s’agiter entre les moulures du cadre. Le grand musée se réveille pour une virée nocturne. Qui voit tout ce peuple inanimé, figé dans les pigments ou le marbre, prendre vie et possession des lieux…
Vision surréaliste…
… que Christophe Chabouté nous propose de partager dans son avant-dernière publication toute sobrement intitulée « Musée ». Chabouté. Depuis un bon quart de siècle cet alsacien de naissance s’est imposé, au travers de nombreux ouvrages, comme un incontournable de la BD, un dessinateur hors pair et un des grands maîtres du noir et blanc. Un noir et blanc cru, lumineux, ici pas de hachures et de « niveaux de gris », incroyablement bien équilibré, pur visuel où le texte ne s’invite que lorsque la nécessité l’impose. Chabouté construit souvent ses récits tel un film muet. Patte reconnaissable entre toutes qui, au fil des albums, a défini la « Chabouté touch ».
De jour comme de nuit…
… le dessinateur a investi le musée d’Orsay, noircissant une cargaison de carnet de croquis. Et le moindre que l’on puisse dire c’est que le bougre a pigé la magie de l’endroit à 200 %.
Le défi…
… était pourtant de taille. S’attaquer à rendre des toiles des poids lourds de l’impressionnisme avec pour tous moyens l’encre de chine et le blanc du papier tenait d’une sacrée gageure. Pari réussi haut le pinceau. La maîtrise du dessin de Chabouté est telle qu’on en oublie l’absence de la couleur.
Là où le brio du bédéiste bluffe également, c’est lorsqu’il s’intéresse aux visiteurs. Comme pris sur le vif, ceux-ci sont captés du point de vue du tableau. On regarde le regardeur. Et c’est souvent drôle, émouvant. Chabouté a ce don de choper la petite mimique, le regard, l’attitude, le geste. Travail époustouflant d’observation où on sent toujours poindre l’empathie.
Des œuvres d’art douées de vie ?
Coup de génie de Chabouté. Tout au long de ces longues nuits on suit leurs pérégrinations. L’Olympia de Manet qui, visiblement, commence à sérieusement ankyloser, condamnée qu’elle est à se prélasser sur son plumard. Les raboteurs de parquet qui maudissent Caillebotte de les avoir laissés là à frotter le plancher depuis bientôt 150 ans. Héraclès qui laisse tomber son arc pour aller inspecter les toilettes, dubitatif quant à l’utilité de ce curieux récipient… Ou bien encore le portrait de Berthe Morisot qu’un mystérieux personnage (Chabouté himself?) va poser face à une fenêtre donnant sur l’esplanade. De là Berthe, le regard amouraché, voit passer tous les soirs un homme promenant son chien. Tout ce petit monde entretient un chassé-croisé, tantôt amoureux, tantôt philosophique, tantôt sarcastique quand il s’agit d’échanger ses impressions sur les visiteurs…
Alors envie d’une belle visite, poétique et spirituelle ? Suivez le guide !
La Biblio de Chabouté c’est ici