JL. AUBERT – Autant à Nouveau, conversations avec C. Goffette

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JL. AUBERT – Autant à Nouveau, conversations avec C. Goffette

Jean-Louis Aubert

Christophe GOFFETTE par lui-même

Fan de rock, Alice Cooper, Blüe Öyster Cult, Iggy Pop…, Christophe Goffette, enfant, surfe sur sa passion dans un contexte embouteillé par la variété française et le disco. Soudain, Téléphone surgit sur son écran radar et l’enfant qui tourne adolescent identifie un peu de son quotidien dans les textes de Jean-Louis Aubert, pour la plupart. Au Cœur De La Nuit (1980), son premier vinyle acheté, répond aux questions qu’il se pose tout autant qu’il suscite chez lui un intérêt croissant pour le quatuor – disque décrié par les grincheux, jamais contents, qui le décrivent comme le début de la fin des communications téléphoniques.

Contexte posé, Mister Goffette aborde le fruit de ses interviews, Jean-Louis Aubert, un être entier féru d’humanité qui conjugue son présent au « devenir ». Au futur ? Non, à « l’instant » qui, sitôt vécu, caractérise déjà le passé. Nécessitant une attention soutenue, on converse avec Aubert comme on parle avec un pote.

TELEPHONE – Au Cœur de la Nuit

Le cadre ouvert

« Converser avec Jean-Louis Aubert est toujours un réel plaisir … Volubile, chaleureux et courtois, il se livre sans la moindre retenue … Il s’agissait aussi d’être le plus fidèle et proche possible de ses propos originels, où tout a son importance et son utilité » (C. Goffette)

Parcourons sans plus tarder ces quatre « conversations » où, à n’en pas douter, nous en apprendrons Autant à Nouveau.

Jean-Louis AUBERT – Temps à Nouveau

Jean-Louis AUBERT : 1- Conversation 1993

Suivre Jean-Louis Aubert lorsqu’il répond à une question c’est investir la boule de flipper qui rebondit de bumper en bumper, s’élancer sur les traces intersidéral d’un esprit voyageur, tenter de saisir le fil issue d’une bobine qui déroule son contenu à grande vitesse depuis les berges d’une rivière en crue.

« Je ne cherche pas la perfection, je cherche à être le plus proche de mon imperfection, ce serait cela ma perfection » (A propos de l’album Bleu, Blanc Vert – 1989)

Ancré dans le présent, l’artiste semble considérer le temps comme une lame tranchant l’immédiateté, réalité de l’instant n’existant plus dans le passé et pas encore dans le futur. A cet égard, l’interviewer sort de sa grille de questions préétablies pour plus de précision, aiguiser la concision. Grâce à cela, les échanges n’adoptent pas le modèle dit du « ping-pong », bulles de celluloïd virevoltant d’une bouche à l’autre, au bénéfice d’un dialogue en mouvement. Les deux interlocuteurs progressent de concert vers une « non-fin » des entretiens puisque exempts d’objectifs ou de buts à atteindre.

« … livrer ce qui a été, c’est un peu toujours livrer la mort. Ce qui a été n’est plus … » (A propos de l’album H – 1992)

Attentat

« Les chansons, en tout cas, sont faites comme des vêtements. Pareil pour les idées. Elles sont faites pour s’adapter aux autres … Quand je compose, c’est avant tout pour moi, mais je pense que c’est par la même occasion une manière d’être honnête avec les autres…Si je ne pense qu’aux autres, je ne pense qu’à moi parce qu’en fait si tu fais une chanson pour ceux qui vont l’écouter, c’est très égoïste. Certains vont dire que c’est de la musique commerciale, d’autre qu’elle est sans âme… » (A propos de l’expression de sentiments personnels dans les chansons)

Aubert répond rarement directement aux questions posées, d’autant plus si celles-ci touchent à son processus de création. Il parle d’un « intérieur » livré vers l’extérieur puis revenant en boomerang enrichir ses fondations. Il pense que l’accélération du mouvement apporte de l’équilibre et de l’honnêteté aux textes ainsi créés. Surtout, il ne fige rien, chaque chanson pouvant de ce fait évoluer en fonction du quotidien de celui ou celle qui l’écoute.

« Tant que les idées circulent, tant qu’il y a des êtres pour poser des questions et d’autres pour tenter d’y répondre, nous naviguons vers un infini des possibles » (A propos de l’expression « en devenir » fréquemment utilisée par JL. Aubert)

Jean-Louis AUBERT – Entends-moi

Jean-Louis AUBERT : 2- Conversation 1997

Lorsqu’on interroge un artiste, un musicien, sur ce qui fait que sa musique est ce qu’elle est, il répond généralement à côté, se contentant de « vendre » le truc en précisant qu’il n’a rien fait de meilleur. Jean-Louis Aubert préfère l’introspection, les parfums, l’air du temps, le meilleur à venir, même s’il faut pour cela passer par la case « souffrir ». Pour expliquer sa musique, il discourt d’autre chose que de notes, d’accords et de partitions, leur préférant les textures, les saveurs, et gratifiant ceux qui ont enrichis sa palette, même s’il reste décideur au final.

« Il est adorable et tu ne peux lui faire qu’un plaisir, c’est lui dire qu’on va jouer. Je crois d’ailleurs que la principale question qu’il pose, c’est : ‘Quand est-ce qu’on joue ?’ … Et quand tu joues avec lui, c’est comme lâcher un cheval dans un pré, c’est fou furieux » (A propos de Richard Kolinka)

Lorsque tout devient trop compliqué, qu’à force de pinailler sur les détails les morceaux s’alourdissent, ne ressemblent plus en rien aux sensations initialement voulues, il faut revenir à plus de simplicité. En cela, le chanteur préfère les prises spontanées des chansons, même si des erreurs y figurent, aux enregistrements carénés. Le chrome, s’il brille, gâche et affadit les désirs viscéraux, les lignes tortueuses mais directes entre l’artistes et ses fans.

« Ce dont je suis sûr avec cet album, c’est d’avoir capturé quelque chose de beaucoup plus vivant qu’auparavant… Je veux vraiment rapprocher les morceaux le plus près possible de ma peau, même sous ma peau … Les chansons en ressortent plus fortes parce que ce sont elles qui portent le poids de la cohésion de l’album … » (A propos de Stockholm – 1997)

Le Jour se Lève Encore

Jean-Louis AUBERT : 3- Conversation 2001

La traduction en mots sur ses motivations profondes que Jean-Louis Aubert livre dans ces conversations demande au lecteur un effort d’interprétation. Christophe Goffette nous prévient en début d’ouvrage, lorsqu’il précise qu’il faut adopter un état d’esprit correspondant pour bien nuancer les propos exprimés. Globalement poétique, on se noie parfois dans le flot métaphorique utilisé par le chanteur pour, non pas expliquer, mais simplement donner son ressenti – puisqu’il donne sans rien attendre en retour – livrer ses sentiments.

« … une chanson, ça te prend par surprise ; la phrase que tu notes, tu ne sais pas pourquoi tu notes celle-là, il y a quelque chose d’inexplicable qui t’accroche, comme une rencontre … » (A propos de Comme un Accord – 2001)

Adepte de la remise en question, Aubert refuse de s’appuyer sur ses succès passés pour construire ce qu’il nomme ses « recueils de chansons ». Intelligemment, l’interviewer va rechercher l’artiste là où il l’a laissé lors des conversations précédentes. Maître tisseur de son tissu musical, l’artiste ne dément jamais ce qu’il a précédemment affirmé.

Jean-Louis AUBERT – Alter Ego

Jean-Louis AUBERT : 4- Conversation 2005

De conversation et conversation, même si les questions diffèrent, Jean-Louis Aubert revient sur les mêmes thématiques, surtout celle de communiquer à l’extérieur ce qu’il ressent à l’intérieur.

« Je vais t’expliquer ce qui est arrivé pour ce disque … D’abord, j’ai perdu mon studio, la Loupe … Je me suis retrouvé juste à côté de chez toi, au château d’Hérouville. Mythique studio, mais quand même bien abandonné l’hiver. Heureusement, le groupe me rendait des visites. L’amitié, jouer ces chansons avec les copains, ça m’a permis de les extérioriser » (A propos d’Idéal Standard – 2005)

Aubert s’étonne qu’on le compare toujours à un adolescent, lui le cinquantenaire (à cette époque), père de famille et d’une déjà longue carrière. Peut-être cet état de penser est-il dû aux images qui transparaissent, et dans ses textes et dans sa musique ? Ou bien, est-ce sa voix, fragile dans sa justesse (C. Goffette s’en amuse avec lui) et sa pratique des aigus ? Mais peut-être s’agit-il d’un ailleurs, de ce déséquilibre implicite que l’artiste sous-tend entre ce qu’il croit et qu’il sait et le moment où ces deux pôles, certitude / incertitude, se rencontrent et se figent.

« … Je n’arrive pas à avoir de méthode, ni pour écrire, ni pour composer, ni pour accumuler. Il n’y en a qu’une que je connaisse … Je commence à m’attacher aux chansons lorsque je note leurs titres dans un petit carnet … » (A propos de la difficulté à composer)

Ailleurs

Pour ne pas finir … les albums

Si les échanges entre Christophe Goffette et Jean-Louis Aubert s’arrêtent en 2005, on n’a pas fini de tendre l’oreille aux « communications » du chanteur. Trois albums vont suivre, le dernier datant de 2019. Parmi ceux-là, en 2014, Les Parages du Vide, ou la mise en musique des poèmes de Michel Houellebecq (CF la chronique sur ce même site), album d’étonnement et de beauté constante.

Pour clore Autant à Nouveau, le journaliste autodidacte nous livre ses réflexions sur chacun des albums de l’artiste, ceux de Téléphone compris. Par choix, nous ne révèlerons rien de leur teneur. Simplement, déjà pour la première chronique du premier Lp, ça vaut le coup d’y venir.

Jean-Louis AUBERT – L’Enfant et le Cerf-Volant

Lorsqu’on referme un ouvrage, un roman, un recueil de poèmes ou un essai, il persiste parfois une fragrance, une onde étrange qui vibre longtemps dans nos subconscients.

Lorsqu’on referme cet ouvrage, qu’en reste-t-il ? Persiste-t-il une vibration ?

« Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau, de prendre le souffle à nouveau. Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau, de nous jeter à l’eau »

Une philosophie …

Thierry Dauge

Jean-Louis AUBERT – Autant à Nouveau de Christophe Goffette – Editions du Nouveau Monde – Disponible le 12 avril

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