Les quatre Scandinaves avaient matière à publier leur grande œuvre
Lorsque leur histoire d’amour s’acheva, leur discographie aussi
Il est bon de revenir sur leur fin de carrière. Leur dernier disque s’intitulait « You Owe Me One ». Traduction : « Vous m’en devez un » ! Prouvons ici qu’en effet ABBA nous devait un disque, et il était prêt !
Une séparation regrettable…
Le groupe n’avait jamais été aussi bon qu’au moment du split. Des conflits personnels mirent fin à une carrière exceptionnelle.
On fait état de 300 millions de disques vendus, tous supports confondus. Un album de plus en 1983 aurait aidé à pulvériser ce score déjà impressionnant.
Abba, plus grand groupe depuis la disparition des Beatles, aurait pu sortir encore un disque avant de se séparer en achevant les titres qui leur restaient à l’état de maquette. Correspondant plus ou moins à un dixième album, ce 33 tours devait s’intituler « Opus 10 » ; leur dixième album. Le CD venant tout juste d’être inauguré, l’opération se serait avérée juteuse !
Retour sur une success story…
Leur union leur apporta la gloire. Les quatre Scandinaves avaient déjà un passé professionnel artistique et chacun avait connu plus ou moins le succès avant de fonder ABBA (nom constitué des initiales des prénoms de ses quatre membres : Agnetha Faltskog, Benny Andersson, Anni-Frida Lyngstad et Bjorn Ulvaeus). Ils auraient pu choisir également BABA. Mais la combinaison choisie leur assurait d’être toujours en tête de gondole chez les disquaires du monde entier, brûlant la politesse à AC / DC et à Adamo.
Deux premiers disques en commun, « People Need Love » en 1972 et « Ring Ring » en 1973 sortent sous le nom de Bjorn & Benny, Agnetha & Anni-Frid. Avouons que c’est encore difficile à mémoriser, et le succès reste confiné au nord de l’Europe.
C’est en tant que ABBA qu’ils participent à l’Eurovision en 1974 et remportent la victoire haut la main avec la chanson « Waterloo« , un succès planétaire.
1975 marque le début d’une série de 45 tours imparables « I Do, I Do, I Do, I Do, I Do », « S.O.S. », « Mamma Mia », « Fernando », « Money Money Money », « Dancing Queen », « Chiquitita » les conduisent à devenir le groupe le plus populaire de la décennie. En Angleterre, par exemple, ils accumulent 18 hits consécutifs dans les dix meilleures ventes entre 1974 et 1982. Un record partagé avec seulement cinq grands noms : Beatles, Rolling Stones, Elvis Presley, Cliff Richard et Madonna. En 1979, Abba a en outre investi les discothèques avec « Voulez-Vous » et « Gimme ! Gimme ! Gimme ! ». Mais ces années d’intense activité ont amené des tensions dans le groupe constitué, faut-il le préciser, de deux couples qui partagent la scène et la chambre à coucher.
Les quatre Abba ne peuvent plus travailler ensemble…
En 1982, ils prétendent d’un commun accord qu’une retraite provisoire de deux ans est accordée à chacun pour mener à bien des projets solitaires (Agnetha, Frida) ou en tandem (Benny et Bjorn). Leur maison de disque y croit… Mais plus le temps passe et plus il s’avère difficile de réunir les artistes. Avec ou sans leur accord, un album en concert (« Abba Live ») est commercialisé bien tardivement car en 1986, l’Abbamania est passée, au point que le disque ne sortira même pas en Angleterre, faute de pré-commandes. Il faut dire que, depuis le film « Abba – The Movie » (1977), les fans se sont rués en masse sur cet engin encore récent qu’on nomme magnétoscope, et les documents sur les prestations publiques du groupe sont légions. Les magasins de vidéo regorgent de VHS d’Abba ; un vidéo-disque aurait peut-être pu séduire les fans, mais pas un vinyl.
Malgré la perfection de leurs dernières productions (les 33 tours Super Trouper en 1980 et The Visitors en 1981) il leur est devenu impossible de faire un effort pour peaufiner leur ultime publication. Pourtant un album de ONZE titres aurait pu voir le jour. Nous allons les décortiquer.
ABBA – Just Like That
https://www.youtube.com/watch?v=_1VJgO4meGk
– Just Like That restera à l’état de maquettes, au pluriel : une version lente, une version rapide… les deux, aussi réussies l’une que l’autre, auraient pu constituer une double face A de 45 tours.
https://www.youtube.com/watch?v=e4gX0abVLEQ
The Day Before You Came, visiblement, aurait mérité un enrobage :
– « La chanson n’était pas même écrite lorsque nous rentrâmes en studio, expliqua Benny au mensuel Record Collector. Le résultat est volontairement minimaliste : nous avons demandé à Agnetha de se montrer « ordinaire », sans utiliser ses immenses capacités vocales ».
Pratiquement pas de chœurs, plus de cinq minutes sans le moindre refrain accrocheur et le simple accompagnement de Benny au synthétiseur et à la boîte à rythme… Effectivement, c’était minimaliste, et il n’y a pas à s’étonner qu’au hit-parade ça ne marche guère (par exemple, seulement 32ème en Grande-Bretagne).
– Under Attack, le single suivant, réalise, dans le même pays, un score à peine moins mauvais : 26ème.
– I Am The City, achevé, sera publié onze ans plus tard sur « More Abba Gold »
– « Cassandra« , « You Owe Me One » et « Should I Laugh Or Cry » (ajouté en bonus sur la version remastérisée de THE VISITORS), trois titres merveilleux, sortent sur des faces B de 45 tours
– « Every Good Man Needs A Helping Hand », maquette interprétée par Agnetha, sortira sous un titre différent (« Heaven Help My Heart ») et interprétée par Elaine Paige dans la comédie musicale Chess.
– It’s So Nice To Be Rich et P and B sont des titres en solo de Agnetha non composés par Björn et Benny
– et enfin l’instrumental Opus No 10, qui était peut-être le play-back d’un futur titre, deviendra « Anthem » sur Chess.
Faites le total : on arrive au nombre respectable de 11 chansons, le nombre qui composait un 33 tours au temps du vinyle ! Ajoutez les maquettes bien abouties de la période 1978-1981 que proposa le coffret-4 CD « Thank You For The Music » (« Put on your white sombrero », etc.), le titre assez moyen « Just A Notion » déjà interprété sur scène, « Burning My Bridges » très country, « Dream World ».
Daniel Lesueur – Culturesco