PHANTOM OF THE PARADISE – 1974
Au milieu des années 70, à Bezons, banlieue ouvrière de l’Ouest parisien, une soirée du film fantastique est organisée une fois par an. La projection compte trois longs métrages pour le prix d’un. En matière de thématiques, l’évènement couvre le fantastique, la science-fiction et l’horreur. Les adolescents se jettent comme des possédés sur ce cadeau du Malin, volontaires pour trembler au moindre grincement de porte. A l’occasion de la troisième édition de ces soirées, « Phantom of the Paradise » est projeté : premier véritable « clip musical horrifique » du siècle dernier, bien avant le « Thriller » de Michael Jackson.
Phantom of the Paradise – Trailer
Son réalisateur, Brian de Palma (1940), est l’auteur/metteur en scène d’une véritable ruche à succès depuis 1968. Gloriole : de la critique professionnelle au grand public, il bénéficie d’un plébiscite quasi inconditionnel. A titre d’exemples, citons quelques-unes de ses réussites : « Carrie » (1976) avec le débutant Travolta, un rôle en or pour Michael Caine dans « Pulsion » (1980) , « Blow out » (1981) avec Travolta à nouveau, le remake de « Scarface » (1983) et la prestation « cabot » de Pacino, l’hitchkockien « Body double » (1984), le trio dithyrambique Costner/Connery/De Niro servant « Les incorruptibles » (1987), Tom Cruise’s « Mission impossible » (1996), l’adaptation du formidable roman de James Ellroy « Le Dalhia noir » (2006). Avec la libre mise en images et musique du fantastique roman de Gaston Leroux : « Le fantôme de l’opéra » (1910), il troue l’écran ! « Phantom of Paradise » : Grand prix du Festival du film fantastique à Avoriaz en 1975.
Globalement, le film mêle deux histoires habillées en comédie musicale : celle du « Fantôme de l’Opéra » et celle d’un « Faust » rock’n’roll au comportement Phil « Spectorien ». Un jeune auteur/compositeur en devenir, Winslow Leach : le phantom, propose une cantate à Swan, producteur sulfureux qui cherche des musiques pour faire l’ouverture de sa nouvelle salle de spectacle : le Paradise. A cette occasion, le musicien rencontre Phoenix, jeune chanteuse dont il tombe « in love » et qu’il identifie comme seule interprété possible de ses compositions.
Swan vole les partitions, les fait jouer par des groupes de « rock » et s’arrange pour que Winslow finisse en prison. A l’écoute de ce que Swan à fait de son œuvre, Leach s’évade. Il pénètre de force dans l’usine de son tortionnaire, possesseur des disques « Dead Records », afin de détruire les enregistrements injurieux. Il fait une fausse manœuvre et les chairs d’une partie de son visage se retrouvent incrustées d’une face de vinyle. Par la suite, il revêt l’apparence du phatom, hante les coulisses du Paradise, y produit moult incidents retardant d’autant son inauguration.
Phantom of the Paradise – The Juicy Fruits
Bobines de pellicule défilant, on découvre que Swan a vendu son âme au Diable contre la jeunesse éternelle et le rôle démoniaque de collecteur d’âmes. S’en suit un manège manipulateur d’ingénuité/malignité entre les deux hommes. Le final est grandiose, d’une dimension biblique et désespérée. Seule l’âme pure de Phoenix en sortira indemne.
Filmé sur le modèle d’une comédie musicale dramatique, le montage est en roue libre, innovant, truffé de traveling, d’humour et de musique.
La BO et le rôle de Swan sont l’œuvre de Paul Williams, habituel interprète de country. Pour le film, il démontre toutes les facettes de son art. Ses chansons couvrent une large palette musicale : rock « Shalala woooooohhhh », pop surf digne des Beach Boys, jerk, balade soul à l’interprétation torride, hard rock, l’ensemble sonnant très 70’s. L’assemblage hétéroclite est d’une telle qualité que la bande son, seule, peut suffire à satisfaire les plaisirs mélomanes de tout amateur de rock.
Phantom of the Paradise – Somebody super like you
Lors de la célèbre scène de la douche, calquée en hommage sur celle de « Psychose », où Beef applique un traitement « The Doors » à un titre de Winslow, une tirade déclamée dramatiquement par le « Phantom » donne à réfléchir : « Ne chantes plus ma musique. Ni ici, ni nul part ailleurs, tu as compris ? Jamais ! Ma musique est pour Phénix, personne ne peut la chanter. Qui d’autre la chantera, mourra » (libre traduction française). En rédigeant ces lignes, j’imagine tous ces amateurs qui ont un jour chanté un titre de cette BO et qui vivent, depuis, avec ce terrible anathème au-dessus de leur tête. Brrrrrrrrr !!! Plus flippant qu’une soirée du film fantastique à Bezons !