The Last Stop In Yuma County
« Jesus Christ ! Everybody has a gun !!! »
Tout là-haut les vautours…
… tournent en vain. Rien de ce qui prétend au statut de vivant ne se traîne dans les parages. Faut dire que la fournaise battrait plutôt son plein dans ce coin paumé. Yuma, Arizona, pour les accros à la géo. Un temps à pas mettre un crotale dehors. À l’intérieur c’est pas mieux. Belle lurette que la clim est en rade dans le restau de la station service de ce bled déshérité. Tout à l’heure la serveuse, brune, jolie, a vu débouler un jeune mec, coupe impeccable, tronche de premier de la classe. Qui espérait sûrement, une fois claquée la portière de sa tire et poussée la porte grinçante de l’estaminet, échapper quelques instants à cette chaleur à crever… À crever… C’est le cas de le dire…
… Car ils ne savent pas…
Pas encore. « Ils » ? Oui car depuis tout à l’heure que je vous cause, d’autres clients sont arrivés. Pas la foule des grands jours mais pour cette cantoche de cambrousse c’est limite l’affluence. Et tout ce petit monde poireaute. Après quoi me demandez vous, haletants ? L’essence. Suite à un coup de bigo (Pas de mobile, on est en pleine seventies) du fournisseur la serveuse vient d’annoncer que le camion-citerne était à la bourre. La pompe est à sec. Prochain dealer de benzine, 150 bornes. Alors on attend. Sans savoir pour combien de temps. Le cul moite et l’aisselle poissarde. Parmi les naufragés de l’asphalte, là-bas à la table dans le coin, deux mecs. Un jeunot et un perdreau visiblement pas de l’année. Deux braqueurs en cavale qui viennent de se faire une banque. Le grain de sable… En plein désert, normal…

Voilà planté le décor…
… du premier long métrage de Francis Gallupi, jeune cinéaste français basé à Los Angeles. Est-ce son passé de batteur au sein d’un combo Punk Rock, mais c’est bien dans cet esprit que fut tourné « The Last Stop In Yuma County ». À la croisée du thriller et du western, ce huis clos offre une galerie de personnages à la déjante réjouissante, sur fond d’existences dérisoires et de vies de merde. Au cœur de cette miniature d’une Amérique à la dérive, parano et surarmée, chaque protagoniste, dans une ambiance de plus en plus dégradée, va peu à peu dévoiler sa vraie nature. Souvent peu reluisante…

La mise en scène…
… assez lente, vous agrippe néanmoins par le colbac. Gallupi connaît bien son affaire pour jouer avec nos nerfs et faire monter la pression. La caméra prend son temps, tourne autour du pot, zoome et dézoome peinarde. Tout comme les personnages écrasés par la cagna, on a l’impression de stagner dans un air épais, presque palpable. Les dialogues, réduits à l’essentiel, on est pas au café philo, se frayent un passage entre des silences lourds de menace.

L’épure, cependant…
… s’enjolive de temps en temps d’une note d’humour noir foncé grâce aux élucubrations garanties « grand n’importe quoi » du jeune braqueur, crétin abyssal jouissivement interprété par l’impeccable Nicholas Logan, ou de ce jeune couple, Bonny and Clyde d’opérette shooté à la série B, qui se la joue durs de durs. Décalage qu’on appréciera d’autant plus quand il est enjolivé d’une bande sonore Country bien péquenode délivrée par l’inévitable juke-box. Machine alimentée par le mélomane de service, à savoir l’aîné des deux malfrats, psychopathe glaçant magistralement campé par l’inquiétant Richard Brake. Mention spéciale itou pour Jim Cummings, le jeune homme propre sur lui, au faux air d’Anthony Perkins (Clin d’oeil au grand Alfred ?), représentant à la ramasse en couteaux de cuisine japonais, qui va se laisser glisser irrémédiablement dans la fange obscure d’un tempérament plus tourmenté qu’on ne croit…

Bref…
… ça sent la peur, ça pue la mort, comme le chantait le poète. Alors évidemment, dans ce petit jeu du « tout le monde s’observe » vient LA question : quand est-ce que ça va partir en vrille ? Comment ? À cause de qui ? Parce que forcément CA VA partir en vrille…

Si vous voulez vraiment le savoir…
… et si d’aventure vous passez un de ces quatre devant un cinoche qui a eu la lumineuse idée de programmer « The Last Stop In Yuma County », prenez votre billet et votre seau de pop-corn, calez vos miches bien confortablement et dégustez cette petite toile indé comme on les aime, efficace et sans prétention comme un bon album Garage, et de surcroît belle déclaration d’amour aux frangins Cohen et à sieur Tarantino.
Last Stop : Yuma County – Bande-annonce
La fiche technique du film c’est ici