Le gang de la clé à molette – Edward Abbey
Prenez quatre déjantés…
… George Hayduke, fou furieux à l’hygiène douteuse, accro à la binouze et vétéran du Vietnam. Le docteur Sarvis, alias Doc, virtuose du bistouri, la cinquantaine friquée un brin bedonnante. La jeune, belle et sexy Bonnie Abbzug, sa secrétaire, muse et amante. Seldom Seen Smith, mormon polygame, promeneur de touristes sur les rapides du Colorado, pour qui le désert n’a plus de secret.

Un désert impitoyable…
… Où même les serpents capitulent devant la chaleur écrasante. Oui mais ils l’aiment ce putain de désert. Celui de leurs jeunes années qu’ils ont connu pur et terrible dans sa beauté vierge. Mais voilà, nous sommes en 1975. Le carnage a commencé. Routes, ponts, barrages. Toute une mécanique infernale, à la solde du profit, des politicards et du Dieu dollar, qui dégueule ses millions de tonnes de béton sur l’aridité originelle.
C’en est trop pour le quatuor. Quatre caractères qui, au premier abord, n’ont rien en commun. Sauf cette haine viscérale de ce qu’ils appellent « La Machine« .
Alors ils décident…
… de l’enrayer. Ils seront le grain de sable dans l’immense rouage…
Leurs armes. La clé à molette en hors d’oeuvre, puis bientôt la dynamite en plat de résistance.
Le but. Bousiller un maximum de matos. Camions, bulldozers pour se faire la main avant de passer aux ponts et aux voies ferrées.
Évidemment ils s’attaquent à gros. Pot de terre contre pot de fer. La réplique sera terrible. La traque impitoyable. Mais le gang a plus d’un tour dans son sac…

Edward Abbey signe là…
… un road trip écolo décapant. Écolo avant l’heure d’ailleurs car le roman souffle cette année ses cinquante bougies. Par leur engagement, Hayduke, le Doc, Bonnie et Seldom sont quelque part les ancêtres des Eco-Warriors d’aujourd’hui. L’auteur, militant écologiste radical de la première heure, porte un amour profond pour la nature, en particulier le désert, et une rage féroce contre tout ce qui peut l’abîmer. À l’instar de ses personnages. Attachants. Sincères. Don Quichottes destroy prêts à tout risquer pour garder le rêve intact. Jusqu’au bout…

Ca démarre sur les chapeaux de roue…
… pour ne plus vous lâcher les tripes, en mode double pédalage d’un batteur fou. L’écriture peut déconcerter au départ. À la fois crue, certains dialogues et réparties sont de petits bijoux trashy, et à la fois sophistiquée de par le vocabulaire, pointu, et les tournures de phrases chiadées.
C’est drôle. C’est désespéré. Souvent les deux.
« Nous luttons contre une machine folle, Seldom, une machine qui mutile les montagnes et dévore les humains. Quelqu’un doit essayer de la stopper. Ce quelqu’un, c’est nous. »
Edward Abbey, mort en 1989 à 62 ans, fut enterré illégalement dans le désert dans un lieu tenu secret. Pour épitaphe : « No comment ».
On vous avait prévenu. Jusqu’au bout…
Pour info, il existe une édition illustrée par Robert Crumb mais qui semblerait, hélas, définitivement épuisée.
La biblio c’est ici