Richard GOTAINER – Pop Art Primitif
Entre 1981 et 1982, ce fils de « pub » assène rien moins que quatre classiques de la chanson française fourrés aux sous-entendus. La science avec laquelle Richard Gotainer a bigorné les musiques qui bariolent ses textes n’a de cesse d’étonner, d’esbaudir, de ravir !
L’anamnèse d’une réussite …
En 1980, Richard compose un « jingle », aux airs de quasi chanson, pour une publicité de la marque Infinitif, des vêtements féminins. Un an plus tard, il reprend sa courte partition et la transforme en single imparable. « Infinitif » devient « Primitif ».
« Je marier vous cannibale (Pri-imitif !). Tu manger moi et je dévorer vous (Pri-imitif !). Vous être jolie casse-dalle (Pri-imitif !). Je faire croquer mon monsieur par vous »
Dans la vidéo qui illustre « Primitif », Richard est accompagné d’une irrésistible « créature », un modèle de concupiscence, tant par son physique que ses mimiques (mais qui est cette actrice ?!). Le loup de Tex Avery, exophtalmie, et Gene Simmons, toute langue sortie, ne s’en sont pas remis.
Richard GOTAINER – Primitif
Gotainer, c’est le Mozart de la chanson. Sous ses airs de ne pas se prendre au sérieux, il concocte des orchestrations au millimètre pour des mélodies aux kilomètres.
Après cet irrésistible carton, il livre « Le Sampa », bande son du film Le maître d’école, long métrage où Coluche performe la pédagogie. Couplets comme refrain sont irrésistibles, ils contaminent le subconscient dès la première écoute et magnifient la pellicule. Tu l’as entendu ? Tu es foutu. C’est comme les « picaillons », c’est pour toute la vie !
Le Sampa
D’où lui vient cette expertise, cette apparente facilité à engendrer des sommets de notes addictives ? C’est qu’avant de s’intéresser au format pop radiophonique, le bonhomme s’est entraîné au très court métrage télévisé.
Il monte une boite destinée à créer des musiques d’accompagnement, plus particulièrement spécialisée dans la « réclame ». Vittel : « Buvez, éliminez… », Belle des Champs : « Tu baguenaudes dans les pâturages… », Danette : « On se lève tous pour Danette… », Choco BN : « Il est 4h, à la bonne heure… », et beaucoup d’autres : c’est lui !
Affûté par le slogan et le refrain qui colle aux tympans, il reconsidère les forces en place et s’en va ériger son Atlas.
« Elle est mambo la maladie. Elle est mambo la manie. Mambo mambo le décalco. Mambo mambo la décalco-manie »
Voguant sur la hype du moment, il magnifie le décalcomanie.
Richard GOTAINER – Le Mambo du Décalco
Mais, on le sait, promouvoir la gaudriole permet parfois de faire passer des messages et/ou toucher des sentiments plus profonds. On ne croyait qu’en rire et nous voilà émus. En musique, il existe des enchaînements sur le mode majeurs / mineurs, des diminutions ou escalades de tonalités qui provoquent cet effet-là. Richard Gotainer, tout à son sujet, maîtrise ce savoir. Et lorsqu’il traite de la vieillesse, tout en enrobant le sujet, à son habitude, de sucre, de miel et de fruits confis, il assaisonne sa chanson de moments poignants.
« L’amour c’est un peu la galère mais il y fait bon ramer, lâcha le Dédé. L’amour c’est juste un poil amer, c’est du bonbon acidulé… Trois vieux papis, trois papis papotaient, papotaient pour se faire du vent »
Sous ses airs de pseudo musique de cirque, son parfum de barbe à papa, de fête foraine, l’hommage aux aînés transpire le respect. Le message ? On y passe (presque) tous un jour…
Trois Vieux Papis
Au pays de Gotainer – musicien de précision sous ses airs de clown – et du « Youki », il y fait bon rêver. Il se pourrait bien que son discours n’ait d’autre but que d’entretenir une âme d’enfant : Pour ne pas vieillir et se dire qu’on n’a pas vécu (librement inspiré du Cercle des Poètes disparus) ? Alors, comme l’écrit Paulo Coelho dans l’Alchimiste : Mektoub…
Thierry Dauge
